3ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
EXTRAIT DE BULLE D’INDICTION DU JUBILE ORDINAIRE DE L’ANNÉE 2025 DU PAPE FRANCOIS « Spes non confundit = l’espérance ne déçoit pas»
Un anniversaire très important pour tous les chrétiens tombera au cours du prochain Jubilé. En effet, cela fera 1700 ans que le premier grand Concile œcuménique, le Concile de Nicée, a été célébré. Il convient de rappeler que, depuis les temps apostoliques, les pasteurs se sont à plusieurs reprises réunis en assemblée pour traiter de questions doctrinales et disciplinaires. Dans les premiers siècles de la foi, les synodes se sont multipliés tant en Orient qu’en Occident, montrant l’importance de préserver l’unité du Peuple de Dieu et la fidélité à l’annonce de l’Évangile. L’Année Jubilaire pourrait être une occasion importante pour concrétiser cette forme synodale que la communauté chrétienne perçoit aujourd’hui comme une expression de plus en plus nécessaire pour mieux répondre à l’urgence de l’évangélisation : tous les baptisés, chacun avec son charisme et son ministère, coresponsables pour que de multiples signes d’espérance témoignent de la présence de Dieu dans le monde.
Le Concile de Nicée avait pour mission de préserver l’unité gravement menacée par la négation de la divinité de Jésus-Christ et de son égalité avec le Père. Environ trois cents évêques étaient présents, réunis dans le palais impérial, convoqués par l’empereur Constantin, le 20 mai 325. Après divers débats, ils se sont tous reconnus, par la grâce de l’Esprit, dans le Symbole de la foi que nous professons encore aujourd’hui dans la célébration eucharistique dominicale. Les pères du Concile ont voulu commencer ce Symbole en utilisant pour la première fois l’expression « Nous croyons »,pour témoigner que dans ce “Nous”, toutes les Églises étaient en communion, et que tous les chrétiens professaient la même foi.
Le Concile de Nicée est une pierre milliaire dans l’histoire de l’Église. Son anniversaire invite les chrétiens à s’unir dans la louange et l’action de grâce à la Sainte Trinité et en particulier à Jésus-Christ, le Fils de Dieu, « consubstantiel au Père », qui nous a révélé ce mystère d’amour. Mais Nicée représente aussi une invitation à toutes les Églises et communautés ecclésiales à poursuivre le chemin vers l’unité visible, à ne pas se lasser de chercher les formes adéquates pour répondre pleinement à la prière de Jésus : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » ( Jn 17, 21).
Le Concile de Nicée a également discuté de la date de Pâques. À ce sujet, il y a encore aujourd’hui des positions divergentes qui empêchent de célébrer le même jour l’événement fondateur de la foi. Par un concours de circonstances providentiel, cela aura précisément lieu en 2025. Cela doit être un appel à tous les chrétiens d’Orient et d’Occident pour qu’ils fassent un pas décisif vers l’unité autour d’une date commune de Pâques. Beaucoup, il est bon de le rappeler, n’ont plus connaissance des polémiques du passé et ne comprennent pas comment des divisions peuvent subsister sur ce sujet.
Ancrés dans l’espérance
L’espérance forme, avec la foi et la charité, le triptyque des “vertus théologales” qui expriment l’essence de la vie chrétienne (cf. 1 Co 13, 13 ; 1 Th 1, 3). Dans leur dynamisme inséparable, l’espérance est celle qui, pour ainsi dire, oriente, indique la direction et le but de l’existence croyante. C’est pourquoi l’apôtre Paul nous invite : « Ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière » (Rm 12, 12). Oui, nous devons “déborder d’espérance” (cf. Rm 15, 13) pour témoigner de manière crédible et attrayante de la foi et de l’amour que nous portons dans notre cœur ; pour que la foi soit joyeuse, la charité enthousiaste ; pour que chacun puisse donner ne serait-ce qu’un sourire, un geste d’amitié, un regard fraternel, une écoute sincère, un service gratuit, en sachant que, dans l’Esprit de Jésus, cela peut devenir une semence féconde d’espérance pour ceux qui la reçoivent. Mais quel est le fondement de notre espérance ? Pour le comprendre, il est bon de s’arrêter sur les raisons de notre espérance (cf. 1 P 3, 15).
« Je crois à la vie éternelle » : ainsi professe notre foi. L’espérance chrétienne trouve dans ces mots un pilier fondamental. Elle est en effet « la vertu théologale par laquelle nous désirons comme bonheur […] la Vie éternelle ». Le Concile œcuménique Vatican II affirme : « Lorsque manquent le support divin et l’espérance de la vie éternelle, la dignité de l’homme subit une très grave blessure, comme on le voit souvent aujourd’hui, et l’énigme de la vie et de la mort, de la faute et de la souffrance reste sans solution. Ainsi, trop souvent, les hommes s’abîment dans le désespoir ». Nous, en revanche, en vertu de l’espérance dans laquelle nous avons été sauvés, en regardant le temps qui passe, nous avons la certitude que l’histoire de l’humanité, et celle de chacun, ne se dirige pas vers une impasse ou un abîme obscur, mais qu’elle s’oriente vers la rencontre avec le Seigneur de gloire. Vivons donc dans l’attente de son retour et dans l’espérance de vivre pour toujours en Lui. C’est dans cet esprit que nous faisons nôtre l’émouvante invocation des premiers chrétiens, par laquelle se termine l’Écriture Sainte : « Viens, Seigneur Jésus ! » ( Ap 22, 20).
Jésus mort et ressuscité est le cœur de notre foi. Saint Paul, en énonçant en peu de mots – avec seulement quatre verbes – ce contenu, nous transmet le “noyau” de notre espérance : « Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze »( 1 Co 15, 3-5). Le Christ est mort, a été mis au tombeau, est ressuscité, est apparu. Il a traversé le drame de la mort pour nous. L’amour du Père l’a ressuscité dans la puissance de l’Esprit, faisant de son humanité les prémices de l’éternité pour notre salut. L’espérance chrétienne consiste précisément en ceci : face à la mort, où tout semble finir, nous recevons la certitude que, grâce au Christ, par sa grâce qui nous est communiquée dans le Baptême, « la vie n’est pas détruite, elle est transformée » pour toujours. Dans le Baptême, en effet, ensevelis avec le Christ, nous recevons en Lui, ressuscité, le don d’une vie nouvelle qui brise le mur de la mort et en fait un passage vers l’éternité.
Et si devant la mort, séparation douloureuse qui nous oblige à quitter nos affections les plus chères, aucune rhétorique n’est permise, le Jubilé nous offrira l’occasion de redécouvrir, avec immense gratitude, le don de cette vie nouvelle reçue dans le Baptême, capable de transfigurer le drame. Il est important de penser à nouveau, dans le contexte du Jubilé, à la manière dont ce mystère a été compris dès les premiers siècles de la foi. Pendant longtemps, par exemple, les chrétiens ont construit les fonts baptismaux en forme octogonale et, aujourd’hui encore, nous pouvons admirer de nombreux baptistères anciens qui conservent cette forme, comme à Rome, à Saint-Jean-de-Latran. Cela indique que, dans les fonts baptismaux, un huitième jour est inauguré, le jour de la résurrection, le jour qui dépasse le rythme habituel marqué par l’échéance hebdomadaire, ouvrant ainsi le cycle du temps à la dimension de l’éternité, à la vie qui dure pour toujours. Tel est le but vers lequel nous tendons dans notre pèlerinage terrestre (cf. Rm 6, 22).
Le témoignage le plus convaincant de cette espérance nous est offert par les martyrs qui, fermes dans leur foi au Christ ressuscité, ont été capables de renoncer à leur vie ici-bas pour ne pas trahir leur Seigneur. Ces confesseurs de la vie qui n’a pas de fin sont présents à toutes les époques, et ils sont nombreux à la nôtre, peut-être plus que jamais. Nous avons besoin de garder leur témoignage pour rendre féconde notre espérance.
Ces martyrs appartenant aux différentes traditions chrétiennes sont aussi des semences d’unité car ils expriment l’œcuménisme du sang. C’est pourquoi je souhaite ardemment qu’il y ait au cours du Jubilé une célébration œcuménique, afin que la richesse du témoignage de ces martyrs soit mise en évidence.
