Chère famille, chers amis,
ll y a deux semaines seulement, je décollais direction Beyrouth et l’inconnu total : une nouvelle vie s’ouvrait pour 9 mois. Je vais tenter par ces quelques lignes de vous faire ressentir ce que Je vis depuis.
17 septembre, Christiane, responsable de cycle dans l’école où je suis envoyée, m’attend à laéroport, immense sourire aux lèvres. Elle m'accueille comme “sa fille” et prend le temps de m'expliquer tout ce que j
‘observe et qui m’est alors nouveau. Je me laisse bercer pendant le trajet sillonnant la montagne d’une heure qui nous mène à Baskinta. Quoique, la conduite des libanais laisse à désirer et les ceintures sont décoratives, ça met un peu d’action.
Je découvre ce village de 8000 habitants, construit à 1200m d’altitude sur des collines entourées de montagnes, à la vue époustouflante. L’air est doux, l`ambiance paisible. Je m’y sens déjà bien.
Jai intégré une communauté de Sœurs de la Charité de Sainte Jeanne-Antide Thouret, dites de <<Besançon››. 6 sœurs y vivent : Sœur Marie, supérieure et directrice de l'école, Sœur Jeanne d'Arc, Sœur Thérèse, Sœur Samar, Sœur Joséphine et Sœur Caroline. J'adopte rapidement leurs habitudes et leur rythme. La journée commence à 6h45 par la messe, suivie du petit-déjeuner. Ici pas de tartine ni de confiture l'assiette est composée de labneh (yaourt libanais sur lequel on ajoute de l'huile d’olive) tomates, concombres et menthe, que l
‘on mange avec du pain libanais (sorte de crêpe épaisse, délicieux !) Quand nos activités nous le permettent, nous partons marcher dans le village l’après-midi, avant les vêpres. Le soir, le dîner s’éternise avec une tisane, un film, des discussions ou des danses !
Je découvre totalement la vie religieuse. Les préjugés que] avais ont (presque) tous été déconstruits petit à petit. La joie de vivre des sœurs est constante et communicative. Elles sont vraies, entières, lumineuses et rendent la vie communautaire spontanée et joyeuse. C’est une réelle bonne surprise J’admire leur dévouement : ma mission ne durera que 9 mois tandis que la leur dure tout une vie. C’est beau. Et ce n’est pas facile tous les Jours Elles mapprennent à vivre pleinement dans la foi, à rendre grâce pour nos joies et a s’en remettre à la providence Moi qui avais peur de la routine, qui ai l'habitude d'un quotidien à mille à l'heure où chaque moment est occupé, j'atterris en pleine montagne dans un petit village, en colocation avec 6 sœurs. Et pourtant je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer depuis mon arrivée. L'école est pleine de vie, les visites de voisins, “d'amis de Jeanne-Antide" (les proches de la communauté) d'enseignants, de parents d
élèves ou autres sont quotidiennes Lorsque J`en ai l’occasion, Je me réfugie sur le balcon surplombant la vallée pour lire, écrire, prier travailler mon arabe… Prendre le temps des choses est devenu un luxe que Je savoure chaque jour.
Ma mission ici consiste à enseigner le français à des élèves de petite et moyenne section, mais aussi à des secondes et terminales. Je dois également aider les internes (ils sont 40) à faire leurs devoirs le soir.
Pour mon premier cours, Sœur Marie m’avait indiqué qu’il fallait apprendre aux élèves de classe technique (l’équivalent d’une filière professionnelle) du vocabulaire de cuisine. Surprise en entrant en classe : les élèves ont 17-18 ans, soit presque mon âge. Je fais tout pour paraître expérimentée, mais difficulté de plus : la pédagogie et le rapport enseignant-élève sont différents de ce dont nous avons l’habitude, il faut entièrement se réadapter! Ou plutôt s`adapter tout court, car je n’ai jamais enseigné, encore moins à des élèves dont je ne maîtrise pas la langue natale et qui en profitent naturellement.
Seulement, je n’ai pour le moment donné quun seul cours. Mon arrivée le 17 septembre a en effet été suivie de peu par l'explosion des bipeurs, puis l'escalade des tensions n'a cessé d'augmenter depuis. Les écoles ont fermé et je n'ai malheureusement vu les élèves que 3 jours... Nous espérons reprendre ce lundi (7 octobre) en présentiel mais nous préparons à tous les scénarios possibles (cours en distanciel). A Baskinta, tout est très calme et je suis bien en sécurité. L'ambiance reste calme, paisible et sereine, nous sommes loin des bombardements qui ont jusqu'ici lieu dans les mêmes zones. Les libanais ont de façon surprenante beaucoup d'autodérision par rapport à la guerre, qu'ils connaissent en moyenne tous les dix ans. Quand on creuse un peu, ils ne cachent pas leur peur et leur profonde tristesse pour leur cher pays, qu
ils voient se dégrader chaque année un peu plus… Beaucoup de lycéens que j’ai interrogés rêvent de venir étudier en France, seule voie d’avenir à leurs yeux.
Pourtant, tous les libanais font preuve d’une immense fierté de leur pays, on sent que leur attachement est fort et ils aiment le partager. Leur hospitalité me touche profondément. Cela commence d’abord de chaleureux sourires, un accueil merveilleux quand on entre dans leurs maisons, mais aussi beaucoup de cadeaux (j’avoue avoir dans ma chambre une réserve de gâteaux et diverses sucreries offerts que je n'arrive pas à écouler..) et surtout de longues conversations autour d'un mezze, de thé ou de café oriental. Le fait qu
‘ils aient tous appris le français à l’école m'aide bien, mais je suis très motivée à apprendre l'arabe. Une enseignante de l’
école me donne des cours, et m’a affirmé à ma grande joie que je validais le niveau grande section et pouvais passer en CP l!! Quand l`école reprendra, j’espère pouvoir me glisser en classe de CP et CE1 pour suivre le cours avec les élèves…
En attendant la reprise, nous préparons la rentrée, j’aide les sœurs dans leurs activités, nous organisons une adoration chaque soir pour prier pour la paix au Liban. Nous allons apporter des vivres aux réfugiés arrivés au village. Les écoles publiques du pays sont en effet réquisitionnées pour l’accueil des déplacés. Une centaine d'entre eux occupent l’éc
ole publique de Baskinta, nous leur avons déjà envoyé matelas, couvertures, produits d`hygiène…
J’accompagne les sœurs dans leurs courses, et aperçois la montagne qui nous entoure. Devant rester en zone sécurisée, mes déplacements sont limités, mais j’ai déjà adoré prendre le bus seule, observer le contenu des magasins, explorer des villages, en espérant rapidement pouvoir explorer le pays quand la guerre sera achevée, inshallah !