SOLENNITÉ DU SAINT SACREMENT
LES FONDEMENTS DE LA DIACONIE DE l’église (Père Etienne GRIEU)
La diaconie est le « service de l’amour du prochain exercé de manière communautaire et ordonnée » Benoît XVI,Deus Caritas est § 21
Dès les premiers siècles, l’Église a vécu des formes de solidarité qui ont été constitutives du christianisme et de l’Église naissante. Les Actes en donnent une forme radicale avec la mise en commun des biens : « parmi eux, nul n’était dans le besoin, car tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres » (Ac. 4, 34). Par la suite, cela a pris la forme de collectes de nourriture et de biens qui étaient redistribués, ou bien de repas fraternels (Agapé), ou encore de lieux d’accueil (pour les malades, les voyageurs, les errants) et toutes sortes de services qui à chaque fois mettent en œuvre l’attention aux plus vulnérables. Dans l’Église de l’antiquité, la solidarité fait partie de sa vie ordinaire.
En fait, la Diaconie n’est pas simplement un devoir éthique, c’est une autre manière de voir les relations entre les humains. Les premiers chrétiens mettent en avant un concept nouveau : la fraternité au sens d’une communion fraternelle. Ils peuvent ainsi envisager des liens aussi forts que les liens familiaux, et ces liens sont potentiellement ouverts à tous. Et cela, parce que le Christ s’est fait le frère de tout homme. Ainsi, il n’est plus seulement question de pratiques solidaires, mais ce qui est en jeu, c’est une vision du monde et de la vie ensemble. Les chrétiens voient alors le monde comme une fraternité possible qui passe par des relations concrètes. Des relations où l’on s’entraide et où les plus vulnérables ne sont pas laissés de côté. La nature profonde de l’Église s’exprime ainsi dans une triple tâche : annonce de la Parole de Dieu, célébration des sacrements, service de la charité (diakonia). Ces trois tâches s’appellent l’une l’autre et ne peuvent être séparées. Ainsi, la charité n’est donc pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistance sociale qui pourrait être laissé à d’autres, mais la charité appartient à sa nature. Elle est « une expression de son essence même à laquelle elle ne peut renoncer ». La diaconie fait vraiment partie de la vie de l’Église. Sans diaconie, l’Église ne peut être l’Église. Mais à trop vouloir bien faire pour être efficace et bien servir les plus fragiles, l’Église a par la suite cherché à se spécialiser. Et cette spécialisation (professionnalisation) a eu l’effet pervers de réserver l’action aux personnes compétentes. D’où une communauté qui n’est plus en contact avec les pauvres. Alors, la vraie question aujourd’hui devient : comment le chrétien de base (qui va à la messe le dimanche, qui participe à telle ou telle activité), va-t-il pouvoir être touché par ce qui se vit dans les engagements solidaires ? Va-t-on lui donner la chance d’entendre quelque chose de ce que vivent les plus pauvres, les malades, les handicapés, les personnes isolées ?
Les enjeux de « Diakonia » Avec Diakonia ce n’est pas uniquement les engagements
caritatifs, c’est toute la dimension relationnelle de la vie de l’Église qui est appelée à devenir diaconie, c’est-à-dire des liens pétris par l’amour de Dieu. Cela comprend la solidarité, mais plus largement cela embrasse aussi toutes nos manières de nous rapporter à d’autres. 2 Quand on parle diaconie, cela signifie donc qu’il y a pour les chrétiens, un rendez-vous avec le Christ, un appel à se mettre dans les pas de Dieu.
A l’école du Serviteur :
Jésus se présente comme un envoyé (il vient « de la part de », annoncer une bonne nouvelle). Lors de son baptême, il y a cette voix qui dit « Celui-ci est mon Fils bien-aimé» (Mt 3) Jésus n’est pas quelqu’un qui vient de lui seul. Il ne roule pas pour lui. Il vient faire la volonté du Père : « je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » Dans l’évangile, le serviteur est un envoyé. C’est quelqu’un qui est là de la part d’un autre. Celui qui se met à la suite du Christ est appelé à cette même expérience : un chrétien n’est pas propriétaire. Toute sa vie est portée par Dieu ; elle vient de DIEU. Il reconnait que les qualités qu’il a viennent de plus loin que lui et le dépassent. Cela change tout. Quand on a remis sa vie dans les mains de Dieu, on est libre de l’angoisse de devoir s’imposer aux autres. On est un homme humble qui peut garder les mains ouvertes, sans avoir peur de l’échec.
La diaconie ne se vit pas tout seul
. a) Jésus passe par une communauté de disciples La première chose que Jésus fait est d’appeler des disciples. La Bonne nouvelle doit être portée par une communauté. Et Jésus respecte le rythme de ces disciples. Il n’avance pas plus loin dans sa mission tant que ses disciples n’ont pas fait un pas décisif dans la foi. Tant qu’ils n’ont pas avancé dans la conscience de qui il est, lui. Et ses disciples sont lents à croire.
b) Jésus part d’une relation privilégiée à ceux qui sont en grande précarité. Ce sont les malades (lépreux), les mendiants (Bartimée), les étrangers (la syrophénicienne, le centurion), mais aussi ceux qui sont regardés par les autres comme des pécheurs (Zachée, Marie Madeleine venue briser un flacon de parfum sur ses pieds). L’attention de Jésus est dirigée d’abord vers ceux qui sont repoussés aux marges. Ils ont tout de suite un « tilt » avec lui (alors que les personnes dites « normales » comme les disciples ou Nicodème sont bien plus lentes à croire). C’est donc la manière dont Jésus vient renouer l’alliance. Il vient d’abord de retrouver les brebis perdues. La Bonne Nouvelle part du peuple. Elle passe par une relation privilégiée à ceux qui sont mis de côté. L’Évangile concerne bien tout le peuple, mais il passe par ce qui arrive à quelques-uns : ceux qui étaient mis de côté.
Conclusion La diaconie concerne toute la vie de l’Église. Elle passe par une relation privilégiée à celles et ceux qui ne sont plus considérés comme dignes de faire partie du peuple, et qui se retrouvent donc hors du champ de l’Alliance. Notre Dieu veut renouer avec toute l’humanité, et pour cela, il a un souci tout spécial de celles et ceux qui sont menacés de ne plus exister aux yeux des autres. Voilà, ce qui est au « Principe » de la mission de l’Église. Le « Principe », c’est ce qui est premier. Et ce qui vient en premier,
c’est ce par quoi l’Église commence et en même temps ce qui l’anime de bout en bout